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La prise en compte du vote blanc

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Alors que les élections européennes du 25 mai 2014 étaient les premières lors desquelles il était possible de voter « blanc » viennent de se dérouler, selon les résultats du ministère de l’intérieur, 1,18% des électeurs inscrits ont voté blanc lors de ce scrutin, en proportion des votants cela représente 2,78% des suffrages. Il faut mettre cela en perspective avec les votes nuls qui représentent 0,53% des suffrages des électeurs inscrits mais 1,26% des suffrages des votants.

Il n’est donc pas inutile de faire un retour sur la loi du 21 février 2014 visant à reconnaitre le vote blanc aux élections. Cette loi résulte d’une proposition du député UDI de Côte d’Or, François Sauvadet, déposée en 2012 mais la question de la reconnaissance du vote blanc fait partie des « Arlésiennes » de la vie politique française, on dénombre de nombreuses propositions qui n’ont jamais abouti depuis une vingtaine d’années.

L’ancien cadre

Jusqu’ici le bulletin blanc était assimilé aux bulletins nuls, l’alinéa 3 de l’article L65 du code électoral disposait que :

Les bulletins blancs, ceux ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l’urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins ou enveloppes portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour des tiers n’entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement.

Mais ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau.

Chacun de ces bulletins annexés doit porter mention des causes de l’annexion.

Si l’annexion n’a pas été faite, cette circonstance n’entraîne l’annulation des opérations qu’autant qu’il est établi qu’elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin. »

Le code électoral prévoyait néanmoins une option de vote blanc dans l’hypothèse des bureaux de vote dotés de machine à voter mais cela ne lui donnait pas de valeur juridique différente.

Le nouveau cadre

Désormais la mention du bulletin blanc a été supprimée de l’article L66 du code électoral mais l’article L65 relatif aux opérations de dépouillement a été modifié dans son alinéa 3 qui dispose que :

A chaque table, l’un des scrutateurs extrait le bulletin de chaque enveloppe et le passe déplié à un autre scrutateur ; celui-ci le lit à haute voix ; les noms portés sur les bulletins sont relevés par deux scrutateurs au moins sur des listes préparées à cet effet. Si une enveloppe contient plusieurs bulletins, le vote est nul quand les bulletins portent des listes et des noms différents. Les bulletins multiples ne comptent que pour un seul quand ils désignent la même liste ou le même candidat. Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n’entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins. Une enveloppe ne contenant aucun bulletin est assimilée à un bulletin blanc. »

Cela signifie que si les bulletins blancs sont bien distingués des bulletins nuls lors des opérations de dépouillement, ils n’entrent toutefois pas dans la catégorie des suffrages exprimés, c’est-à-dire les bulletins réguliers visant à choisir un candidat ou une liste. Autrement dit, si le vote blanc est reconnu, il n’emporte aucune conséquence juridique différente du vote nul auquel il était assimilé auparavant.

Ceci peut se comprendre : imaginez qu’il soit pris en compte dans les suffrages exprimés, cela impliquerait qu’un quorum soit fixé et que dans l’éventualité où le vote blanc emporterait la majorité absolue des suffrages, l’élection soit organisée de nouveau. En soi cela n’a rien de scandaleux mais cela risquerait de désorganiser singulièrement le fonctionnement des organes politiques désignés au suffrage universel direct. Il faut néanmoins préciser que la proposition initiale du député Sauvadet visait à inclure le vote blanc parmi les suffrages exprimés, ce qui posait problème pour l’élection du président de la République puisqu’aux termes de l’article 7 de la constitution, celle-ci n’est acquise qu’à la majorité absolue des suffrages exprimés, même problème pour les référendums.

On peut également déplorer qu’il n’y ait pas d’obligation pour l’État de fournir un bulletin blanc aux électeurs, ainsi ce dernier devra apporter lui-même son bulletin ou bien laisser l’enveloppe vide. On peut se demander pourquoi ? Lors des débats parlementaires, la question avait été évoquée, notamment le coût lors d’un amendement proposé par le député Sergio Coronado mais qui pouvait tomber sous le coup de l’article 40 de la constitution qui dispose que :

« Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. »

Autre raison et ici plus choquante, celle avancée par le sénateur François Zochetto au sujet de la solution de l’enveloppe vide qui remplace la proposition de mise à dispositions de bulletins blancs :

« Il reste que, en tant que législateurs, nous ne saurions inciter au vote blanc par la mise à disposition de bulletins blancs dans les bureaux de vote. »

Les représentants se permettraient-ils d’apprécier quel vote serait le plus légitime de la part des électeurs ? Il est permis de se poser la question même si cela reste cohérent avec le système représentatif où les véritables détenteurs de la souveraineté restent les représentants puisque le peuple n’a aucun pouvoir d’initiative législative ou de révision constitutionnelle.

Bulletins de vote

L’entrée en vigueur différée de la loi

Enfin, on peut également déplorer que la loi n’ait pas été d’application immédiate, comme le défendait du reste l’auteur du texte. Cette solution qui n’avait pas fait l’objet d’une opposition en première lecture a été revue par un amendement en commission des lois de l’Assemblée nationale en seconde lecture, avec l’assentiment du Gouvernement.

S’il est vrai que l’adoption définitive du texte par le Sénat a été tardive, le 12 février 2014 et la promulgation effectuée le 21 février 2014, cela laissait toutefois suffisamment de temps à l’Etat. A titre de comparaison la nouvelle règle introduite par un décret du 18 octobre 2013 selon laquelle la présentation d’un titre d’identité était désormais obligatoire dans toutes les communes pour voter a été modifiée par un décret du 19 mars 2014, soit cinq jours avant le premier tour de scrutin !

Cela pourrait laisser penser que la solution retenue a davantage été justifiée par des considérations politiques que réellement techniques. D’aucuns pensaient dans la majorité qu’il était préférable qu’au lieu de voter blanc, certains électeurs « protestataires » se portent sur les listes du Front national lors des élections municipales. Au regard du résultat pour la majorité, il n’est pas certain que l’opération ait été une franche réussite !

Conclusion

S’il est louable d’avoir voulu distinguer le vote blanc en faisant un suffrage « quasi » exprimé, cela n’emporte aucune conséquence juridique différente du régime qui prévalait auparavant et l’absence de mise à disposition de bulletins blancs dans les bureaux de vote n’est pas de nature à permettre aux électeurs d’en faire usage facilement.

Il s’agit d’une mesure purement symbolique et au fond, on peut même se demander s’il y avait une pertinence à vouloir distinguer le vote blanc du vote nul comme l’avait fait de manière quelque peu condescendante le professeur Guy Carcassonne selon qui il était temps « de reconnaître le vote blanc, afin que les électeurs assez sophistiqués qui font un tel choix ne soient plus comptabilisés en vrac avec les distraits ou les imbéciles. »

Et au final, il restera toujours impossible de distinguer les véritables motivations : refus des candidats proposés ? Refus du système représentatif ? Désintérêt ? Il est fort à parier que le dernier mot reviendra aux enquêtes d’opinion, ce qui n’est pas loin s’en faut un progrès démocratique.


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